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La charte du Liptako-Gourma: Contexte et défis

Le 16 septembre 2023, une petite révolution politique a été officialisée au Sahel. Trois pays au destin lié par des enjeux de sécurité et de souveraineté, ont convenu de renforcer leur coopération, cette fois-ci à travers une charte. Le Burkina Faso, le Niger et le Mali ont en effet annoncé la signature de la Charte du Liptako-Gourma, qui doit ainsi son nom à cette zone carrefour entre les trois pays, dite région des trois frontières. Si le fondement de cette entente instituant l’“Alliance des Etats du Sahel” est d’ordre politico-militaire, cette charte et ses membres signataires veulent aller au-delà et construire une dynamique de prospérité commune.

 


Contextualisation et points clés de la Charte

 Dirigés par des régimes militaires, le Burkina Faso, le Mali et le Niger font face à une situation sécuritaire préoccupante depuis plusieurs années. Si Bamako est troublé depuis 2011 par des groupes armés et des groupes séparatistes, la violence terroriste s’est étendue dans tout le Sahel, impactant les territoires burkinabè et nigériens au fil des années, malgré la présence des forces occidentales, de la MINUSMA et en particulier celle perçue désormais comme bien « encombrante » de la France. Pendant plus de dix ans, la menace terroriste n’a pu être résolue définitivement, malgré la coopération avec les partenaires européens et américains.


Cet échec a été la base d’un divorce progressif entre la France et le Mali, puis avec le Burkina Faso, et maintenant avec le Niger depuis le putsch du 26 juillet ayant renversé Mohamed Bazoum. Ces trois pays africains partagent désormais une volonté de renforcer leur souveraineté sur leur politique sécuritaire mais aussi de se départir de la France dont la présence militaire et politique est désormais dénoncée par une bonne partie des peuples sahéliens.



Le Mali a été d’une certaine manière, le pionnier d’une nouvelle vision politique aspirant à diversifier ses partenaires dans la lutte contre le terrorisme et se départir visiblement d’un carcan occidental. Depuis le putsch au Burkina Faso d’Ibrahima Traoré, cette vision malienne est partagée visiblement par Ouagadougou. Mais les deux pays ont aussi renforcé leur coopération dans la lutte contre le terrorisme et se sont positionnés dans une logique de panafricanisme qui définit désormais leur perception de la politique étrangère.


Leur voisin nigérien, confronté aux mêmes enjeux de sécurité et de politique étrangère, s’est aussi inscrit dans une démarche de renforcement de sa souveraineté, a d’emblée, après le putsch, renforcé son rapprochement avec Bamako et Ouagadougou, et a ensuite demandé le départ de l’ambassadeur français ainsi que les 1500 militaires français sur le territoire nigérien.


La Charte du Lipatko-Gourma est donc un point de convergence politique entre les trois acteurs, se basant sur la recherche du renforcement de la souveraineté et une coopération profonde face aux enjeux sécuritaires.


 

Les défis de l’Alliance des Etats du Sahel

La Charte entre d’abord dans une logique de mutualisation des efforts pour faire face à la menace terroriste comme l’ont signifié les signataires. "J’ai signé ce jour avec les Chefs d’Etat du Burkina Faso et du Niger la Charte du Liptako-Gourma instituant l’Alliance des États du Sahel (AES) ayant pour objectif d’établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle au bénéfice de nos populations", a affirmé le colonel Assimi Goïta le jour de la signature.


Pour sa part, le capitaine Ibrahim Traoré a parlé d'"une étape décisive de la coopération" entre les trois pays. "La création de l’Alliance des États du Sahel marque une étape décisive de la coopération entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger", a-t-il indiqué, également sur X. "Pour la souveraineté et l'épanouissement de nos peuples, nous mènerons la lutte contre le terrorisme dans notre espace commun, jusqu'à la victoire", a-t-il ajouté.


Mais en filigrane, les acteurs officialisent aussi une alliance face à la CEDEAO et ses partenaires. En effet, ces trois pays qui sont exposés à des sanctions de l’organisation ouest-africaine ont montré leur ambition de se liguer contre toute ingérence extérieure dans les affaires d’un membre signataire. Cela entre directement dans le contexte de la menace d’intervention militaire contre le Niger qui reste sur la table de la CEDEAO, qui voudrait selon elle, restaurer Mohamed Bazoum et l’ordre constitutionnel.

L’article 6 de la Charte stipule que : "toute atteinte à la souveraineté et à l'intégrité du territoire d'une ou plusieurs Parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres Parties et engagera un devoir d'assistance et de secours de toutes les Parties, de manière individuelle ou collective, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité au sein de l'espace couvert par l'Alliance".



Cette Charte est aussi une alternative au G5 Sahel qui n’a jamais été vraiment mis en œuvre et dont le fonctionnement a été dénoncé par le Mali qui s’en est retiré. Le défi majeur maintenant sera de trouver les fonds et les ressources stratégiques nécessaires pour la pérennité de cette Alliance. Le choix des partenariats internationaux comme la Russie semble déjà faire l’unanimité et Moscou a su renforcer sa crédibilité en dotant Bamako de moyens militaires que le Ministre malien des Affaires Etrangères Abdoulaye Diop, avait dit ne jamais avoir reçus des alliés d’avant comme la France.

 

Quels que soient les partenaires qui seront désormais impliqués au Sahel, l’objectif de Bamako, Ouagadougou et Ndjamena sera désormais d’avoir les moyens de contrôler souverainement leurs territoires et de limiter l’ingérence des acteurs étrangers. Le succès de cette Alliance pourrait jeter les premières bases d’une Fédération ouest-africaine dont les néo-panafricanistes rêvent tant.

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