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Afrique, Palestine Et Israël : Le Récit D’une Une Trıgonométrie Géopolitique


Introduction

S’il y a un continent qui doit le plus compatir au sort des Palestiniens, ce serait sans doute l’Afrique. En effet, l’oppression, la colonisation, le génocide, et la violation de divers autres droits humains sont des phénomènes déjà vus pour Afrique. Un constat qui doit être fait, sans pour autant brandir le drapeau de « l’opprimé », cela n’a jamais apporté de résolution nulle part. Car, comme le souligne Thomas Sankara, « seule la lutte libère », jamais la victimisation. Aujourd’hui, en raison de la politique génocidaire d’Israël envers le peuple palestinien, le soutien inébranlable des Africains envers ces derniers s’est considérablement renforcé. Cependant, l’attitude de l’Afrique à l’égard de son implication directe, si non sa prise de position, dans le conflit palestino-israélien demeure nuancée. Cette nuance est particulièrement reflétée au sommet de l’Union Africaine, comme l’indique la déclaration du Président de la Commission, Moussa Faki Mahamat.



Entre sentiment, Empathie et Intérêt

Certaines nations africaines affichent un soutien indéfectible à la cause palestinienne, motivées par leur appartenance ethnique arabe. C’est le cas pour les pays au Nord du Sahara, qui partage une histoire plus ou moins commune avec le Palestine, contrairement aux nations au Sud du Sahara. Parallèlement, d’autres expriment cette solidarité par empathie, ayant eux-mêmes été confrontés à des expériences similaires. A l’exemple de l’Algérie et de l’Afrique du Sud qui a vécu l’apartheid. Néanmoins, la diversité de perspectives au sein du continent est manifeste. Certains pays perçoivent le conflit comme lointain et, par conséquent, ne le considèrent pas comme relevant de leurs préoccupations immédiates. De plus, d’autres nations africaines, bien que n’exprimant pas ouvertement leur position, entretiennent des relations plus cordiales avec Israël, fondées sur des échanges économiques et des intérêts politiques. Ces positionnements ou désintéressements contribuent à une diversité d’attitudes qui souligne la richesse des perspectives africaines face au conflit, reflétant des considérations historiques, ethniques et politiques variées.


Aussi, si la moitié, voire même la majorité des nations africaines, ne semble pas être préoccupée au plus haut niveau, cela pourrait s’expliquer de plusieurs manières. Tout d’abord, l’oppression et la violation des divers droits humains sont bien présentes sur le continent africain. Bien que le contexte diffère de celui de la Palestine, les tragédies ne manquent pas, du Soudan à la République démocratique du Congo (RDC), où des milliers d’enfants, de femmes et de civils innocents perdent la vie. Cette réalité en Afrique peut laisser certains sans réaction face au mal persistant en Palestine. De plus, le silence des pays arabes et voisins de la Palestine, qui devraient normalement être les plus concernés tant du point de vue géopolitique que socioéconomique, décourage de nombreux Africains. Cette situation pourrait être illustrée par la célèbre citation de Thomas Sankara, qui disait : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort. Cet esclave répondra seul de son malheur s’il se fait des illusions sur la condescendance suspecte d’un maître qui prétend l’affranchir. » Bien que l’esclavage ait été aboli des siècles avant la naissance de Sankara, il ne fait guère de doute que ce dernier faisait référence à l’oppression capitalo-impérialiste à laquelle l’Africain était – et est peut-être toujours – soumis. En outre, étant donné que le régime génocidaire israélien applique une politique d’asphyxie contre tous ceux qui ne sont pas juifs, il est possible d’établir des similitudes avec les cas de l’oppression impérialiste de l’Occident envers le reste du monde. Si même les Arabes eux-mêmes ne se préoccupent pas de leur sort, se demandent de nombreux Africains, pourquoi devrions-nous nous mêler de la question palestinienne ?



Dans ce contexte, la complexité des relations entre l’Afrique et le conflit palestino-israélien met en évidence la nécessité d’une approche nuancée pour comprendre le positionnement global du continent dans cette question complexe. Pour mieux appréhender cette relation trigonométrique, il serait nécessaire de remonter dans le temps des deux parties en conflit, tout comme dans celui de l’Afrique, pour obtenir un aperçu historique. Il est également crucial d’examiner les dimensions démographiques, politiques et socio-économiques pour une compréhension approfondie de la dynamique en jeu.


Jusqu’à la fin des années 1960, les relations entre les Palestiniens et les Africains, exception faite des Sud-Africains, étaient virtuellement inexistantes. Du point de vue des Palestiniens, l’Afrique noire ne représentait guère un enjeu politique majeur, tandis que les Africains, eux, se montraient peu concernés par une cause qui leur semblait lointaine. Cette désaffection réciproque persistait d’autant plus qu’Israël, à cette époque, déployait une offensive à grande échelle sur le continent.



Le tournant intervint lorsque le Ghana, sous la direction éclairée de Kwame Nkrumah, établit les premières relations diplomatiques et économiques avec Israël. Cette initiative audacieuse fut rapidement suivie par d’autres nations africaines, de sorte qu’au milieu des années 1960, environ quarante pays entretenaient des échanges substantiels avec Israël, couvrant des domaines aussi divers que l’agriculture et la défense, tout en profitant de bourses pour leurs étudiants.


Cependant, l’évolution ultérieure de la situation a été marquée par des transformations significatives. Les Palestiniens ont réussi à gagner une estime populaire, en grande partie grâce à une identification à leur cause en tant que groupe opprimé. En parallèle, les Israéliens ont consolidé un soutien appuyé des milieux d’affaires et politiques, cela découlant d’une approche pragmatique axée sur des considérations économiques. Ainsi, cette évolution complexe met en lumière les dynamiques changeantes des relations entre les Palestiniens, les Africains et Israël, illustrant la manière dont des facteurs politiques, économiques et sociaux ont influencé ces interactions au fil du temps.


La Palestine, Une Cause Au-delà d’être Ethnique

La question de la Palestine transcende les limites ethniques pour devenir une cause profondément ancrée dans la conscience mondiale en tant que quête de justice sociale et de droits fondamentaux. Cette perspective est particulièrement significative en Afrique, où la solidarité avec la Palestine dépasse le cadre ethnique pour englober des principes universels de dignité humaine et de lutte contre l’oppression. La situation en Palestine est souvent interprétée comme une question de justice sociale, avec des populations autochtones perdant leurs terres et subissant des discriminations. Les violations des droits de l’homme, telles que les restrictions de mouvement et la construction de colonies, suscitent des préoccupations internationales et trouvent écho parmi les défenseurs des droits de l’homme en Afrique, où des expériences historiques similaires de dépossession alimentent une empathie commune. La question palestinienne incarne un exemple d’oppression et de résistance, attirant la solidarité de ceux qui se considèrent comme opprimés. Cette solidarité transcende les frontières géographiques et résonne avec les expériences de lutte contre l’oppression dans de nombreuses communautés africaines, renforçant ainsi la connexion émotionnelle avec la cause palestinienne.



Après l’ère de la Nation arc-en-ciel, dont la position résolue découle de son passé marqué par l’apartheid, le Tchad, malgré une récente démarche de rapprochement avec Israël, a également rappelé ses diplomates en terre israélienne. Cela souligne un changement significatif dans les positions de la plupart des pays africains, confrontés à des défis internes tels que les violences terroristes au Sahel, la guerre civile en République démocratique du Congo (RDC), et les troubles au Soudan, déplaçant ainsi leur soutien en faveur du peuple palestinien. Ces évolutions sont motivées par plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’Afrique, de manière traditionnelle, affiche une sympathie envers la cause palestinienne. Les sommets de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), prédécesseur de l’Union africaine (UA), restent dans les mémoires, marqués par la présence du leader de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat. Cette affinité découle en grande partie du passé colonial de l’Afrique, alimentant sa solidarité envers tous les peuples en lutte pour la souveraineté et la liberté.


De plus, l’engagement des Africains en faveur des Palestiniens s’explique par la tragédie humanitaire qui se déroule dans ce conflit. L’Afrique du Sud qualifie même la situation de « génocide sous le regard de la communauté internationale », tandis que le Tchad exprime son regret face aux pertes civiles innocentes. Enfin, le soutien africain à la Palestine est enraciné dans le souvenir que le conflit israélo-palestinien constitue le berceau historique des mouvements islamistes, une mémoire d’autant plus vive alors que l’Afrique est actuellement confrontée aux violences terroristes.



Israël : Un Partenaire, Partout Détesté

Suite aux contre offensifs de Hamas le 7 octobre 2023, ainsi qu’à la réponse d’Israël transformé en génocide, les États d’Afrique subsaharienne ont largement adopté une réaction prudente et tardive à la situation au Moyen-Orient. La question qui se pose est la suivante : comment expliquer ces positions réservées, caractérisées par le manque de soutien à Israël malgré ses tentatives de normalisation et l’orientation historique en faveur de la cause palestinienne ?


Dans les années précédant la guerre de 1973, Israël avait réussi à établir des relations plutôt positives avec plusieurs pays africains nouvellement indépendants. Les années 1960 ont vu l’ouverture d’ambassades par Israël dans de nombreux pays africains, encouragée par la coopération à travers l’organisme Mashav. Golda Meir, qui a été à la fois ministre des Affaires étrangères (1956-1966) et Premier ministre d’Israël (1969-1974), a joué un rôle clé dans la promotion de cette coopération. Cependant, la situation a changé de manière significative en 1973 avec le déclenchement de la guerre du Kippour, entraînant la rupture des relations diplomatiques par la majorité des membres de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) en solidarité avec l’Égypte.


Le renouveau n’a véritablement pris son essor qu’à partir des accords d’Oslo, même si un certain nombre d’États avaient déjà rétabli des relations commerciales ou diplomatiques, de manière plus ou moins officieuse, auparavant. Malheureusement, la deuxième Intifada (2000-2005) a de nouveau entravé le développement de ces relations diplomatiques. Aujourd’hui, il est fascinant de constater que 46 des 54 membres de l’Union africaine reconnaissent officiellement l’État hébreu. Ce chiffre est d’autant plus significatif lorsqu’on le compare à celui de la Ligue arabe, dont 18 des 22 membres (dont 5 en Afrique subsaharienne) ne reconnaissent pas Israël.


En dépit de la restauration des relations diplomatiques, les discussions ont continué à buter sur la question de la colonisation en Cisjordanie. Parallèlement, des figures emblématiques telles que Yasser Arafat, leader de l’OLP, sont demeurées extrêmement populaires en Afrique subsaharienne jusqu’à sa disparition. Surtout, une analyse comparative entre la période post-Oslo et les relations antérieures à la guerre du Kippour révèle clairement que le continent africain n’occupe pas réellement une place prépondérante parmi les priorités stratégiques d’Israël. Avant 1973, le pays disposait d’une trentaine d’ambassades sur le continent, un nombre qui a considérablement diminué pour atteindre une dizaine aujourd’hui, bien qu’Israël entretienne des relations avec une quarantaine d’États africains.

En 2017, la grande majorité des nations africaines s’étaient opposées vigoureusement à la décision des États-Unis d’inaugurer une ambassade à Jérusalem, lors d’une réunion d’urgence de l’ONU. Les limites de la politique de Benjamin Netanyahou envers l’Afrique ont également été mises en lumière au sein de l’Union africaine, notamment lorsque, le 22 juillet 2021, Israël a obtenu le statut de pays observateur avec le soutien du Ghana. Il est à noter que la Palestine détient le statut de membre observateur depuis 2012 au sein de l’Union africaine. Cette ouverture a généré d’importantes protestations, en particulier de la part de deux acteurs clés sur le continent, à savoir l’Afrique du Sud et l’Algérie. Ces controverses ont entraîné un retard significatif dans l’octroi de l’accréditation définitive à Israël. En février 2023, la situation a atteint un point critique, se traduisant par l’expulsion d’une diplomate israélienne de la salle où se déroulait le sommet de l’Union africaine, accompagnée de la suspension de son statut d’observateur.


Conclusion

Les positions des pays africains à l’égard du conflit israélo-palestinien reflètent une diversité d’approches, influencées par des facteurs tels que les relations historiques, les considérations politiques régionales et les alliances internationales. Certains pays africains, à l’instar de l’Afrique du Sud, de l’Algérie et de la Tunisie, maintiennent un soutien affirmé envers la cause palestinienne, traduisant une solidarité historique et des principes de lutte pour la libération nationale. D’autres adoptent des positions plus nuancées, comme le Maroc, qui a évolué dans ses relations avec Israël, passant d’une certaine neutralité à une normalisation en 2020. Certains pays africains, tels que le Nigeria, adoptent des positions équilibrées, exprimant des préoccupations pour les droits des Palestiniens tout en reconnaissant la nécessité d’une coexistence pacifique. Parallèlement, des pays comme l’Éthiopie, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda ont établi des relations diplomatiques avec Israël, soulignant une diversité d’approches au sein du continent. La grande majorité reste silencieuse quant au positionnement, en se maintenant juste sur des déclarations classiques de « cesser le feu » ou « cohabitation pacifique ».

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