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Les défis contemporains du Panafricanisme

Le Panafricanisme est de nouveau discuté et discutable sur le continent africain. Depuis deux siècles, les nations africaines et d’origines africaines tentent de se mouvoir en une puissance intellectuelle et culturelle pour s’affranchir de leur dépendance et faire valoir leur identité. Cependant, au fil des décennies, le Panafricanisme a perdu de sa superbe avant de se rechercher une “renaissance” au début des années 2000. Cette idéologie manque surtout désormais de figures emblématiques, soucieuses des défis contemporains auxquels elle doit faire face. Dans cet article, sont évoqués l’évolution contextuelle du panafricanisme, puis les défis qui doivent être ou sont désormais les siens.



L’évolution de la pensée panafricaniste

Le Panafricanisme est une idéologie, une pensée, voire par ricochet, une doctrine économicopolitique, qui trouve ses sources au tout début du XVIIIe siècle. Selon Imanuel Geiss: “1. Le Panafricanisme est un mouvement intellectuel et politique entre Africains et Afro-Américains qui considèrent ou ont considéré les Africains et les peuples d'ascendance africaine comme homogènes. 2. Le Panafricanisme est aussi un ensemble d'idées qui ont mis l’accent ou qui recherchaient l'unité culturelle et l'indépendance politique de l'Afrique, de même que le désir de moderniser l'Afrique sur la base de l'égalité des droits. La “rédemption de l'Afrique" et "l'Afrique aux Africains" étaient les devises de Panafricanisme.” De ses débuts à l’année 1950, le Panafricanisme s’était illustré dans la lutte contre l’esclavagisme, la discrimination raciale, la conquête coloniale et la domination. Un deuxième élan de lutte s’est développé des années 50 aux années 70, avec en ligne de mire la domination impérialiste et l'exploitation dans les différentes colonies, l'émancipation et l'indépendance nationale. Cette deuxième génération s’était mélangée entre panafricanisme et mouvements indépendantistes, sous la houlette de Gamal Abdel Nasser, Kwame Nkrumah, Modibo Keïta, Jomo Kenyatta, Odinga Odinga, Julius Nyerere, Sekou Touré, etc., avec notamment en surplus, une internationalisation du combat avec les liens avec les mouvements indépendantistes en Amérique Latine et en Asie. Après l’accession à l’indépendance de plusieurs pays africains, le panafricanisme s’est cependant métamorphosé ou a perdu son essence politique puisque les régimes politiques issus de cette lutte n’ont pas pu continuer la révolution et les progrès attendus. “Mêmes ces régimes se sont effondrés sous la pression des contradictions internes et les effets des guerres froides. La plupart d'entre eux ont été remplacés par des dictatures militaires. D’autres n’ont survécu qu'au prix de l'abandon des valeurs progressistes qu’ils défendaient pendant la période précédente,” écrit le Professeur Abdoulaye Bathily. A la fin de la Guerre Froide et des fortes mutations du système international, le panafricanisme a essayé de se réinventer, redevenant ainsi un combat pour la “renaissance africaine”, symbolisé par la nouvelle formule de l’Union Africaine, succédant en 2002 à l’Organisation de l’Unité Africaine (créée en 1962). Cependant, des défis multidimensionnels subsistent alors que l’incarnation de ce combat pose déjà problème, avec des dirigeants non imprégnés des principes panafricanistes et en quête de crédibilité.



Le défi d’incarnation du panafricanisme contemporain

Qui incarne désormais le panafricanisme ? Si dans les années d’indépendance et les deux décennies qui s’en sont suivies la lutte se voyait en Nkrumah, Keïta ou Cheikh Anta Diop, le passage du témoin a été difficile. Au début des années 2000 pourtant, de nouvelles figures du panafricanisme ont émergé dans un contexte difficile de cette idéologie. En 2000, Abdoulaye Wade est arrivé au pouvoir au Sénégal, lui qui s’était opposé pendant 26 ans à Leopold Sedar Senghor, chantre de la négritude mais dont le leg panafricaniste est discutable. Wade a aussi côtoyé Cheikh Anta Diop, l’égyptologue, qui avait prouvé que la brillante civilisation égyptienne était bien noire et avait notamment plaidé pour un retour aux sources africaines pour les Africains. Abdoulaye Wade s’est ainsi visiblement inspiré des deux hommes, mais aussi de ses prédécesseurs africains comme Kwame Nkrumah, pour être l’une des images contemporaines du panafricanisme. Wade s’est imposé comme le leader du panafricanisme contemporain, en ayant notamment lancé le Nouveau Partenariat Economique pour le Développement de l’Afrique (NEPAD), qui visait une mutualisation des efforts en vue d’un panafricanisme économique. Wade a aussi créé un hymne panafricaniste, “un destin pour l’Afrique” dans lequel il exprimait sa vision et son appartenance à une Afrique libre. Wade, c’est aussi un monument de la renaissance africaine inaugurée en 2010, fait de bronze et de cuivre et qui culmine à 53 mètres à Dakar. Mais comme ses prédécesseurs, le Président sénégalais n’a pas pu inspirer de façon crédible ce panafricanisme dans les instances africaines. A ses côtés figuraient Thabo Mbeki de l’Afrique du Sud, mais aussi Mouammar Kadhafi qui nourrissait un rêve beaucoup plus grand. Le guide libyen voulait être à la tête des « Etats-Unis d’Afrique » et il y croyait visiblement. Kadhafi avait entrepris des projets pour une Afrique libre. En 2009, le colonel Kadhafi, alors président de l’Union Africaine, propose aux États du continent africain de passer à une nouvelle monnaie indépendante du dollar américain : le dinar-or, qui pouvait impulser profondément le développement économique de l’Afrique, l’affranchir surtout de l’endettement. Malheureusement, Kadhafi a été victime de ses ambitions, trop “dangereuses” visiblement pour les occidentaux et surtout Nicolas Sarkozy Président français d’alors qui, à la tête d’une coalition internationale, profitait du printemps arabe et d’une petite révolution à Benghazi, pour éliminer le guide libyen.

Aujourd’hui, l’Afrique se retrouve orphelin d’un personnage politique crédible, au pouvoir, et imprégné réellement de l’idéologie panafricaine et des défis de son époque. Les Chefs d’Etat africains vivent actuellement en décalage de leurs peuples qui, avec l’émergence des réseaux sociaux et du digital, se retrouvent de plus en plus dans les discours réinvoqués des précurseurs de cette pensée. Aujourd’hui, de nouveaux hommes politiques émergent, mais aussi des activistes pour réincarner le panafricanisme. Ousmane Sonko, Nathalie Yamb, Kemi Seba, Assimi Goita, Guy Marius Sagna, entre autres, sont de nouvelles figures en qui la jeunesse africaine d’inspiration panafricaine se voit. La question de la souveraineté des pays africains reste surtout le défi majeur qu’évoquent ces personnalités et qui a toujours été le talon d’Achille de la lutte panafricaniste.


Le défi de la souveraineté

Le COVID-19 a fini de révéler bien des failles. L’interdépendance économique s’est accrue durant ces dernières décennies, rendant davantage vulnérable les économies surtout africaines, qui se sont davantage ensevelies dans la dépendance industrielle, logistique et économiques. La question de la souveraineté n’est plus exclusivement politique même si ce cadre reste encore d’urgence. Les Etats africains doivent encore, plus de soixante ans après les indépendances, se battre pour leur souveraineté politique afin de prendre des décisions réellement compatibles avec leurs enjeux et réalités. En Afrique de l’Ouest par exemple, l’influence de la France et des organisations de Bretton Woods est toujours aussi flagrante dans l’implémentation des politiques publiques. Souvent, cela inhibe même les efforts de panafricanisme politique et économique. Par exemple, l’ECO qui devait remplacer le Franc CFA en Afrique de l’Ouest en devenant une monnaie communautaire entre tous les pays de la CEDEAO, a été court-circuité par Emmanuel Macron lors d’un voyage à Abidjan il y a trois années. Les échanges commerciaux intra-africains ne sont encore que de 18%, les pays africains restant encore très dépendants des échanges avec les pays hors de l’Afrique. La Zone de Libre Echange Continentale Africaine (Zlécaf) lancée en 2021 dans cette perspective est encore au stade de test. Il y a aussi le besoin d’une souveraineté industrielle confirmée par le COVID-19. Non seulement le défi de panafricanisme économique est de renforcer les échanges entre les pays africains, mais aussi créer des industries puissances transnationales, capable de régler la question de l’emploi devenu le principal fléau sur le continent. La question de la souveraineté est aussi d’ordre sécuritaire. Les Etats africains comptent encore énormément sur les puissances hors du continent pour le management des questions sécuritaires. Les organismes sous-régionaux en Afrique de l’Ouest ou Australe, mais aussi l’Union Africaine, n’ont pas encore relevé le défi d’une sécurité africaine gérée par l’Afrique elle-même. L’Union Africaine et la CEDEAO peinent par exemple à enrayer le fléau djihadiste au Sahel et ne semble surtout pas croire que la question de la sécurité africaine peut être réglée par les africains eux-mêmes. Il y a toujours l’attente et le recours à l’étranger qui trahit et oblitère l’espoir d’une “Afrique aux Africains” ou de “solutions africaines aux problèmes africains”. Le voyage du Président Macky Sall en Russie par exemple pour discuter des questions des importations de blé durant l’invasion russe en Ukraine, a été perçue d’une façon assez péjorative par les panafricanistes qui eux voudraient plutôt un plan d’action agricole africain pour régler la question de la souveraineté alimentaire.

Le budget de l’Union Africaine est de 654,8 millions de dollars dont seuls les 67% sont financés par les Etats membres. Un paradoxe pour une organisation panafricaniste qui voulait encourager le processus souveraineté totale de l’Afrique et des Etats-Unis d’Afrique. Aujourd’hui, non seulement le panafricanisme n’est plus incarné par les dirigeants politiques africains, mais les défis de souveraineté multidimensionnels sont encore loin d’être en phase d’être relevés. Il y a comme une incapacité psychique des leaders africains à croire en la force intrinsèque de l’Afrique et de pouvoir relever les défis sécuritaires, alimentaires, industriels et sanitaires d’eux-mêmes.

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